par Christian NOORBERGEN, critique d’art et commissaire d’expositions – 14/03/2015.

Les portraits imaginaires/imaginants d’Evelyne Huet, d’une incroyable proximité, envahissent l’espace et sidèrent le regard. On dirait des masques d’humanité surgis de tous les temps, et miraculeusement venus de tous les mondes connus, et nés des cultures d’hier et d’aujourd’hui. On dirait des effigies travaillées de l’intérieur par les arts d’Asie, d’Océanie ou d’Afrique. On dirait des faces d’une vérité ultime encore à venir. Mais, davantage encore, ces portraits et ces corps inventés disent l’humaine et secrète présence de la plus haute altérité. En règne d’incandescence.

Des labyrinthes de signes font sacrale apparition, et des couleurs de plénitude, dures et décalées, envoûtent l’étendue, quand l’étendue elle-même n’est plus qu’une tête infinie, et pour toujours enfin habitable… Chaque visage est une île. Chaque visage est une immensité. Visage de nul oubli. Impensable figure, pure et palpable, du dedans-dehors. Et puissance inachevée de tous les possibles de l’humain… La tête et le corps font le haut et le bas de ces paysages d’existence.

L’implacable frontalité qu’impose Evelyne Huet crée un fabuleux face-à-face entre l’œuvre-miroir et l’intimité du spectateur. Tout a disparu, hormis l’essentiel, et le trait décisif, comme tracé au scalpel, accidente l’espace, et le crée. Le dessin souverain et la couleur vive s’étreignent, comme il se doit, dans l’art des hauteurs de ces fortes œuvres. Peu de traits, grand dessin. Peu de couleurs, grande peinture.

S’il y a rudesse de l’impact d’effets d’art superbement décantés, il y a aussi tendresse et compassion pour les fragiles et les précaires, omniprésents, et âpre combat contre les pantins mauvais du monde, très souvent en ligne de mire. L’art engagé d’Evelyne Huet ose être un art picturalement agissant. L’exorcisme couve, insidieux et latent, sous les élans maîtrisés de cette chromatique tendue, surprenante et dépouillée. Lesdites couleurs sont intenses et rares. Elles ne sont pas de service, elles ont leur vie propre, et toute l’étendue souhaitée pour vivre leur vie. Elles éclaboussent.

Evelyne Huet vit au cœur d’un temps sans frontière. Voyageuse et discrète, elle n’a que faire des séductions de la modernité. Sa création n’est pas faite d’images passantes, factices, et séduisantes, mais elle donne à voir de formidables arrêts d’image, intemporels et prodigieux. Une magique immobilité illumine chacune de ses œuvres. Son art est “chargé“ comme pourrait l’être un talisman intemporel.

Infinis sont les passages au pays des grands visages…

Christian Noorbergen