par John AUSTIN, écrivain d’art qui vit et travaille à Manhattan (mai 2017)

Evelyne Huet accentue la fragmentation, le séquençage et la stimulation dans ses compositions digitales audacieuses sur papier et plexiglas. En utilisant avec sensibilité des couleurs désamorcées et des gradations tonales, l’artiste invite le spectateur à entrer dans des royaumes personnels qui coexistent, presque comme des univers parallèles, dans le même plan d’image. Le monde de l’artiste est rempli de passages organiques flottants liés aux formes figuratives.

L’oeuvre de Huet a de nombreuses références. Elles comprennent l’immobilité hallucinatoire des zones vides et des espaces fermés de René Magritte et les espaces déchiquetés de Clifford Still. Ceux-ci étant combinés pour présenter un monde contradictoire irrationnel et submergé qui reflète des réalités opposées.

Cependant, Evelyne Huet est une artiste du 21ème siècle, avec des influences du Romantisme et du Symbolisme. Son travail comprend des simplifications anthropomorphiques destinées à évoquer des mondes et des références psychiques ou naturalistes. Ce qui est particulièrement saisissant est sa capacité à conférer une impression de sublimité métaphysique. La lumière crépusculaire, les juxtapositions de couleurs et les introductions des creux et des espaces négatifs obsédants (véritables portes dans l’inconscient) donnent au travail d’Evelyne Huet un impact puissamment ambivalent. Comme toutes les grandes oeuvres visuelles, ses compositions donnent souvent dans des contraires et des énigmes indéchiffrables.

Beaucoup de leurs meilleurs passages tiennent à l’utilisation étrange que fait l’artiste de techniques d’opposition. Ses compositions comprennent des signes et des grilles organisés, utilisés souvent comme structures pour modeler des formations alluviales, des motifs rupestres qui font référence à la fois aux traits du visage et à l’espace intérieur de l’esprit humain. S’ajoutent à cela les allusions de l’artiste à des séries d’alignements complexes en arrière-plans, qui rappellent les motifs désamorcés des vitraux.

La lumière est explorée de deux manières différentes. La première est son application hétérogène, qui permet à des parties du plan d’image d’être éclairées fragment par fragment. Cela suggère la dépression du monde, qui se révèle comme une totalité perdue dans les actes de perception, progressivement, mais inexorablement.

Dans le même temps, l’artiste force l’application homogène de la lumière, qui semble unir de plus grandes plages d’espaces en tant que grandes parties d’un corps verrouillé de l’intérieur et entraîné vers une extrémité unificatrice. Le résultat est la sensation globale d’une grande unité d’espace et de temps racontée de manière à la fois symétrique et asymétrique. Ce qui rend l’œuvre d’Evelyne Huet si pleine d’une force de vie en effet et si spectaculaire, c’est son utilisation remarquable d’un langage visuel lié à une appréhension de la pensée pré-logique ainsi que l’impression d’une universalité qui transperce tous les niveaux d’expérience.